Des fêtes sans alcool
ParMarie
Les fêtes de fin d’années approchant, entre apéros, occasions de sortir les eaux de vie et autres alcools forts des placards, vin chaud et glögg à gogo, sans compter le traditionnel champagne du nouvel an, ce ne sont pas les opportunités de consommer de l’alcool qui vont manquer.
Souvent, annoncer qu’on ne boit pas d’alcool déclenche tout une série de remarques, généralement tout à fait inappropriées.
T’es enceinte ou quoi ? T’es malade ? Tu t’es converti·e à l’Islam ? T’allaites ? c’est pas grave, il dormira mieux si tu prends un petit verre de rouge.
Bref, une personne qui ne boit pas d’alcool sera considérée comme ennuyante, rabat-joie, ne sachant pas s’amuser, [ajouter ici tout autre adjectif évoquant l’ennui et la morosité]… et on aura parfois tendance à insister lourdement à ce qu’elle prenne « au moins un petit verre, ça te fera pas de mal ».
Pourtant, j’aimerais que l’on normalise le fait de ne pas boire d’alcool.
Parce que, vous en conviendrez, cela ne va pas toujours de soi.
Alors qu’au fond, ne pas consommer d’alcool, c’est pas grave. C’est même plutôt… positif.
Et ça ne menace pas grand monde (à part les vignerons-encaveurs)(mais ça c’est une autre histoire).
Et si certains considèrent cela comme un affront, c’est que cela menace peut-être surtout la vision qu’ils se font de leur propre consommation d’alcool…
Boire ou ne pas boire, telle est la question
On entend souvent que ce sont les abus qui sont mauvais pour la santé, mais que boire modérément serait au contraire bénéfique. Qu’en est-il réellement ?
Le rôle de la consommation modérée d’alcool sur la santé reste encore très controversé, mais les méta-analyses récentes tendent à mettre de la nuance là-dedans.
Dans les faits, l’alcool étant un carcinogène connu, aucun essai clinique n’a été mené (ni ne sera susceptible d’être mené, pour des raisons éthiques bien évidentes) pour évaluer le lien entre consommation d’alcool et mortalité globale.
Et les résultats que nous avons aujourd’hui à notre disposition pourraient être en grande partie biaisés. En effet, beaucoup d’études menées à ce sujet ne prennent pas en compte un certain nombre de biais de confusion et de sélection.
Si tonton Jules tient mordicus que son secret pour atteindre les 97 balais c’est de boire son verre de whiskey tous les matins, on peut plutôt l’attribuer au biais du survivant – une biais de sélection où on ne prend en compte que celleux qui ont survécu, laissant de côté toutes les personnes qui sont déjà mortes des conséquences d’une consommation d’alcool.
Par ailleurs, on a probablement aussi affaire à des bais de confusion : les personnes qui boivent modérément de l’alcool auraient une plus grande longévité par rapport aux abstinentes, mais les personnes qui boivent modérément de l’alcool ont souvent aussi d’autres habitudes de vie bénéfiques pour la santé (faire plus d’activité physique, manger plus sainement, ne pas fumer, etc), que le groupe contrôle n’a pas et qui pourraient expliquer cette longévité.
Mais pourquoi les abstinent·es auraient une moins bonne santé que les buveureuses modéré·es ?
Eh bien, il faut se pencher sur qui l’on a mis dans le groupe « abstinent·es » : un certain nombre d’études qui comparent l’espérance de vie des abstinent·es (à un moment T) par rapport à celle des consommateurices modéré·es n’excluent pas les anciens buveureuses, dont beaucoup stoppent leur consommation pour des raisons de santé – et qui sont donc de manière globale en moins bonne santé que les buveureuses modéré·es.
De plus, la plupart des études sont basées sur des échantillons non représentatifs, avec une surreprésentations d’hommes blancs âgés, ce qui induit certains biais de sélection.
Bon, voilà pour les biais qui pourraient nous faire penser à tord que boire de l’alcool de façon modérée pourrait nous aider à vivre plus longtemps.
Les conséquences de la consommation d’alcool
Quoi qu’il en soit, la consommation d’alcool a des conséquences bien établies.
Les effets néfastes d’une consommation importante d’alcool (plus de 2 verres par jour) sont bien connus : cirrhose hépatique, problèmes cardio-vasculaires, diabète de type II, cancers, dépression…
Mais il est aussi démontré qu’une consommation modérée d’alcool peut avoir des conséquences délétères sur la santé.
Une méta-analyse de 2016 démontre qu’une consommation modérée d’alcool est associée à un risque immédiatement plus élevé (dans les 24 heures après la consommation) d’événements cardiovasculaires – infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral (ischémique et hémorragique).
Une autre méta-analyse a montré qu’une consommation modérée d’alcool (1 verre par jour) augmentait déjà le risque de développer certains cancers (œsophage, oropharynx, foie, côlon et sein ).
Par ailleurs, chez les femmes, même une faible consommation d’alcool a été associé à une augmentation de 20% du risque de cancer du sein et de cancer colorectal.
Loin de moi l’idée de vouloir semer la terreur ou culpabiliser les personnes qui choisiront de fêter avec un verre de rouge, de whiskey ou de champagne.
Mais plutôt de donner des pistes pour reconsidérer des habitudes qui nous semblaient pas problématiques jusqu’ici. Ouvrir des discussions et des horizons pour d’autres manières de faire…
J’aimerais que pour ces fêtes de fin d’année, les personnes qui ont fait le choix de ne pas consommer d’alcool puisse le faire dans la joie et la bienveillance, en se régalant tout autant des options sans alcool à disposition.
Car on a souvent tendance à oublier ces personnes, et à leur servir au choix un verre d’eau (pour le côté festif on a déjà vu mieux) ou un verre de soda très sucré (et pour la santé, là, on repassera, merci).
Mais alors on boit quoi ?
(à part de l’eau)
On peut proposer :
- des infusions froides délicieusement parfumées – fruitées, épicées, fleuries, il y en a pour tous les goûts
- des jus de fruits et légumes frais – pomme, carotte, betterave, celeri, tout un arc-en-ciel en apéro
- du jus de gingembre
- du bissap
- des limonades maison – c’est aussi l’occasion de s’offrir des limonades Opaline par exemple
- des boissons fermentées sans alcool, comme du kombucha ou du kéfir
- des mocktails (cocktails sans alcool) – ce ne sont pas les recettes qui manquent ! un virgin mojito ça vous dit ?
- du jus de pommes chaud et épicé – une alternative tout aussi goûteuse au traditionnel vin chaud
- et puis, pour fêter le passage de l’an, un champagne sans alcool fera merveille – il n’y a aucune honte à célébrer avec une flûte de Champomy !
Viens ajouter tes idées de boissons festives sans alcool en commentaires !
Bibliographie
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